Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se mit à rire. Un froid glaça ma peau à ce rire. Je partis commander le cercueil.

J’avoue que ce fut en partie pour me distraire que je m’occupai de ce soin. J’avais une pièce d’étoffe, j’en garnis la bière et la parai avec les broderies d’argent circassiennes que Petchorin avait achetées pour elle.

Le lendemain, de bon matin, nous l’enterrâmes derrière la forteresse, près du ruisseau et à cette place où elle s’était assise pour la dernière fois. Autour de la tombe, poussent maintenant les blanches fleurs de l’accacia et du sureau. J’avais envie d’y placer une croix, mais je ne le pus, parce qu’elle n’était pas chrétienne.

— Et que devint Petchorin ?

— Petchorin fut longtemps malade et maigrit, le malheureux ; mais depuis ce jour nous ne parlâmes plus de Béla. Je voyais que cela lui était désagréable. Trois mois après, on lui désigna un régiment et il partit pour la Géorgie. Depuis nous ne nous sommes plus rencontrés. Je me souviens d’avoir entendu dire que peu de temps après il retourna en Russie ; mais dans les cadres du corps d’armée il n’en fut plus question.