Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/181

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dont m’a parlé le docteur. Pourquoi est-elle ici ? Est-ce bien elle ? mais pourquoi croire que c’est elle ? Et pourquoi me le persuader ? Il n’y a donc pas d’autres femmes qui aient aussi une tache sur la joue ? En pensant à tout cela, je suis entré dans la grotte et j’ai regardé ; à l’ombre de la voûte, une femme était assise sur un banc de pierre ; elle était en chapeau de paille, enveloppée d’un châle noir, la tête penchée sur sa poitrine ; son chapeau cachait son visage ; je songeais déjà à m’en retourner afin de ne pas troubler sa rêverie, lorsqu’elle m’a regardé.

— Viéra ! me suis-je écrié malgré moi. »

Elle a frissonné, pâli et m’a dit :

— Je savais que vous étiez ici. »

Je me suis assis à côté d’elle et lui ai pris les mains ; un trouble, oublié depuis longtemps a parcouru tout mon être en entendant cette voix chérie. Elle me regardait dans les yeux avec ses yeux profonds et calmes. Ils exprimaient de la défiance et quelque chose de semblable à un reproche.

— Nous ne nous sommes pas vus depuis longtemps, lui ai-je dit.