Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/182

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— Oui, depuis longtemps, et nous sommes bien changés tous les deux.

— Se pourrait-il ? tu ne m’aimes déjà plus ?…

— Je suis remariée ! m’a-t-elle dit.

— Ah ! mais, il y a quelques années, cette même raison nous séparait, et cependant…

Elle a retiré sa main de la mienne et ses joues se sont enflammées.

— Peut-être aimes-tu ton second mari ?

Elle ne m’a pas répondu et s’est retournée.

— Ou il est jaloux ? Elle se taisait.

— Mais alors, quoi ? Il est jeune, beau et probablement très riche, et tu as des craintes ?

Je l’ai regardée, elle était bouleversée ; son visage exprimait un profond désespoir ; des larmes coulaient de ses yeux.

— Dis-moi ! a-t-elle murmuré enfin, tu as donc plaisir à me faire souffrir ? je devrais te haïr, car depuis le jour où nous nous sommes connus, tu me m’as valu que des souffrances. »

Si voix tremblait, elle s’est penchée et a appuyé sa tête sur ma poitrine.

Peut-être ! ai-je pensé, m’as-tu aimé précisément pour cela ; car les joies s’oublient, les souffrances jamais.