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Ce soir là, Kazbitch était plus mélancolique qu’à l’ordinaire. Je remarquai qu’il avait sous son vêtement une cotte de mailles. Ce n’est pas sans motif, pensai-je, qu’il a revêtu cette cotte de mailles ; il doit certainement méditer quelque coup.

La chaleur était étouffante dans la cabane et j’allai à l’air pour me rafraîchir. La nuit descendait déjà sur la montagne et l’ombre envahissait les défilés. Je songeai à revenir sous le hangar où étaient nos chevaux, afin de voir s’ils avaient du fourrage ; et puis on n’est jamais trop prudent ! J’avais un beau cheval et pas un Kabardien ne le regardait sans me jalouser.

Je me glissai le long de la cloison et j’entendis alors une voix que je reconnus tout de suite. C’était celle de cet étourdi d’Azamat, le fils de notre hôte. Il parlait à un autre, distinctement, mais à voix basse.

De quoi parlent-ils ? ne serait-ce pas de mon cheval ? Je m’accroupis contre la cloison et me mis à écouter ; m’efforçant de ne pas perdre un mot. Parfois le bruit des chants et le murmure des voix étouffaient cette conversation curieuse : « Tu as un bien beau cheval, disait Azamat ;