Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’y a qu’un Dieu pour toutes les races, et s’il me permet de t’aimer, pourquoi te défendrait-il de me le rendre ? »

Elle le regarda attentivement comme si elle voulait se pénétrer de cette nouvelle pensée. Ses yeux exprimaient de la défiance et le désir d’être convaincue. Et quels yeux ! Ils brillaient comme deux charbons ardents.

« Écoute, ma chère et bonne Béla ! continua Petchorin, tu vois combien je t’aime ; je suis prêt à tout donner pour que tu sois gaie ; je veux que tu sois heureuse ; mais si tu redeviens triste, je mourrai. Dis ! seras-tu plus gaie ? » Elle réfléchissait, ne détachant pas ses yeux noirs du visage de Grégoire ; puis elle sourit avec caresse et remua la tête en signe de consentement. Il lui prit alors la main et continua de l’engager à l’embrasser. Elle se défendait faiblement et répétait ces mois : « Je t’en prie ! il ne faut pas ! Il ne faut pas ! » Il insista ; alors, toute tremblante, elle lui dit en pleurant : « Je suis ta captive, ton esclave enfin, tu peux abuser de moi ! » et elle fondit en larmes.

Petchorin frappa son front du poing et passa dans l’autre chambre. Je m’approchai ; il croisa