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BALAOO

l’air d’avoir une gaule à la main, comme qui dirait pour pêcher à la ligne. Ça vous suffit-il ? Êtes-vous content ?…

Patrice ne put, sur-le-champ, lui répondre. Le petit gas sec à la casquette était grimpé lestement près de Michel et lui parlait à l’oreille. L’autre haussa les épaules. Le petit redescendait aussitôt, pendant que La Gaule lui disait : « Si ça fait ton affaire, moi je me serais bien passé de la commission !… »

Une étrange lueur éclairait soudain la situation dans le cerveau en déconfiture de Patrice.

Eh bien ! il en avait de la veine !… Il prenait la diligence pour fuir les aventures, et voilà qu’il était embarqué dans l’une des affaires les plus dangereuses qui se pussent imaginer depuis l’attaque du courrier de Lyon : le pillage d’une diligence. Comment n’avait-il rien vu, rien deviné depuis le matin ? Fallait-il qu’il eût le cerveau plein des événements passés pour qu’il ne se fût pas aperçu de ce qui se complotait autour de lui ! Ah ! il en était sûr, maintenant ! C’était pour tout à l’heure, pour tout de suite, peut-être, « le coup des deux cent mille » !… Oui, oui, tout était simple !… trop simple !… la petite valise lourde, c’était la caisse de la paye… et il n’y avait qu’à regarder plus attentivement tous ces voyageurs pour deviner sans effort à quel genre d’administration ils appartenaient !… Il comprenait tout !… les deux heures et demie de retard de la diligence… l’obstination de M. de Meyrentin à rester chez la receveuse des Postes et Télégraphes, Mme  Godefroy, qu’il était allé réveiller juste après ses confidences !… M. de Meyrentin avait pris tout le temps qu’il lui fallait (après avoir trouvé le truc de la roue), pour organiser la défense des « deux cent mille » !… C’est lui qui avait fait venir, par train spécial, tous ces