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BALAOO

si tranquille sur le siège qu’il ne comprit pas… qu’il ne comprit pas… Michel tenait les guides, haut la main, non point avec l’effort burlesque d’un automédon qui veut dompter ses bêtes et qui n’y arrive point, mais avec le noble orgueil d’un concurrent victorieux dans une course de chars antiques… que signifiait ?… que signifiait ?… est-ce que Michel avait perdu la tête ? Et Patrice appela : « Michel !… Michel !… »

Le conducteur se retourna. Ce n’était pas Michel !

Et, au fait, on n’eût pu dire qui c’était, car il avait un masque noir sur la figure.

Ce fut là le suprême épouvantement. Incapable même de hurler sa terreur, Patrice, cahoté par le char démoniaque, glissa à genoux :

Bouge pas, Patrice ! fit le Masque Noir, avec la voix de l’assassin de Blondel.

Patrice ne pouvait plus avoir d’autres mouvements que ceux que lui imposaient les bonds effrayants de la diligence. Un cahot plus fort que les autres l’envoya rouler aux pieds de ce cocher de l’enfer qui, maintenant, se tenait debout, tout droit, au-dessus de l’équipage déchaîné… Ce conducteur devait avoir une poigne terrible pour pouvoir maintenir, dans la route, à une allure pareille, des bêtes folles d’épouvante…

Quelle poigne !… La poigne qui avait étranglé Blondel sans qu’il eût seulement dit : ouf !… Et Patrice put voir qu’il lui suffisait, à ce conducteur du diable, d’une seule poigne, d’une seule pour les trois chevaux… ; quant à l’autre… l’autre poigne, elle descendit… descendit lentement… (Ah ! c’était bien le même bras long, au bout duquel glissait la manchette éclatante de blancheur, la manchette allongeant si singulièrement le bras, dans le petit trou du