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CHAPITRE II

la robe de l’impératrice


Il devait y avoir veillée ce soir-là chez Mme  Roubion, au Soleil Noir ; car on avait repris les veillées dans le village depuis qu’on avait arrêté les Trois Frères et que les rues, la nuit, étaient redevenues à peu près sûres. À neuf heures, Mme  Mûre, une petite vieille à bonnet qui habitait la troisième maison sur le chemin conduisant à la gare, glissa dans son cabas son nécessaire à broder, puis des têtes de pavots qu’elle écraserait et dont elle mangerait les graines au cours de la soirée, enfin des noix à éplucher dont elle savait Mlle  Franchet gourmande (Mlle  Franchet à laquelle elle ne parlait pas depuis cinq ans et qui regarderait les autres se régaler des noix de Mme  Mûre). Le cabas rempli, Mme  Mûre poussa avec précaution sa porte. L’heure sonnait à l’église. D’autres portes, du côté du Cours National, s’entr’ouvrirent. D’autres petites vieilles montrèrent leur bonnet sous la lune, hésitant à franchir le seuil, ayant perdu l’habitude de sortir après la soupe. Certes ! on était à peu près tranquille en ce moment que ces affreux frères Vautrin se trouvaient si bien à l’ombre des prisons de l’État et prêts à payer leur dette à la société, mais on ne pouvait tout de même abandonner toute prudence du jour au lendemain.