Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
BALAOO

Un silence de glace accueillit ces paroles. Et, tout à coup, il y eut une voix qui cria :

Et les assassins ? Quand est-ce qu’on les arrête ?…

Alors, ce fut une explosion. Il y eut des applaudissements et des encouragements à l’adresse de celui qui avait ainsi parlé, mais celui-là — un paysan — ayant dit, se tut. Il était rouge jusqu’aux oreilles et son regard fuyait celui de M. le Maire.

— La justice est venue ! Si vous les connaissez, pourquoi ne les lui avez-vous pas nommés, père Borel ? demanda le maire.

Le père Borel n’était point plus bête qu’un autre. Il n’alla pas chercher sa réplique bien loin :

— Sommes pas de la police, fit-il… ni policier, ni maire. Chacun son métier !

On ne les sortait pas de là : ça n’était pas leur métier ! Au commissaire, au juge d’instruction, ils répondaient toujours la même chose : « C’est votre affaire, c’est pas la mienne ! » — « Le gouvernement vous paie pour savoir, gagnez votre argent ! » et autres nargues du même acabit.

On était encore sous le coup de la réplique du père Borel, quand Gustave Blondel, écartant tout le monde, se présenta. Le commis-voyageur s’assit sur le billard, et, croisant les bras, regardant bien en face M. le Maire, lui dit :

— Qu’est-ce qui vous occupe tant que ça, monsieur le Maire ? Faut s’attendre à tout dans un pays où il y a des gens dont le nom commence comme « vauriens ».

Un murmure de sympathique assentiment et quelques méchants rires s’élevèrent aussitôt ; mais l’effet de Gustave Blondel fut coupé net par un incident