Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
BALAOO

— Non, il ne veut pas qu’on le dérange… Il travaille.

— Il ne travaille pas plus que nous ; il attend que Balaoo revienne, mademoiselle. C’est pas à la vieille Gertrude qu’on en ferait accroire.

Elles couchèrent toutes deux dans la même chambre ; mais Gertrude, sur le plancher, pas plus que Madeleine dans son lit, ne purent dormir. Et il était bien dans les deux heures du matin quand, d’un même mouvement, elles se dressèrent toutes deux sur leur séant, l’oreille aux écoutes…

— Vous avez entendu, mademoiselle ?

— Oui, oui, Gertrude… on dirait que c’est lui, n’est-ce pas ?

— Ça vient du côté de la forêt.

On dirait que la forêt soupire…

— C’est mauvais signe, dit Madeleine, la voix tout angoissée… ces soupirs-là m’ont toujours fait peur.

Elles se turent… et puis, comme les soupirs de la forêt reprenaient, elles se levèrent, passèrent hâtivement un vêtement et entr’ouvrirent la fenêtre.

Et tout de suite elles murmurèrent : « C’est lui !… c’est lui ! » Au loin, sous la lune, elles apercevaient la lisière des bois, et c’est de cet horizon proche, mystérieux et troublant qu’un étrange souffle grondant accourait vers elles.

Le grondement augmentait et devenait roulement comme le bruit commençant de la foudre qui s’essaie avant l’orage. Comme un immense nuage noir lourd de tempête, la forêt était posée sur la terre, sur les champs qui déjà tressaillaient sous la voix encore lointaine du