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BALAOO

mes. Il n’attendit point longtemps pour voir descendre dans le vestibule, avec mille précautions, Gertrude et Balaoo.

Celui-ci était « beau comme un astre ». On apercevait, sous son léger pardessus entr’ouvert, le plastron éclatant de sa chemise, et les revers de soie de son smoking. Les bottines vernies étaient deux étoiles noires sur les dalles blanches.

« Il va encore faire la noce, et la vieille va encore se crever à l’attendre ! » pensa général Captain.

Balaoo, avant de partir, se laissa embrasser par Gertrude qui lui glissa encore dans la main quelque monnaie.

« Ah ! fit Balaoo, en soupirant, si je n’avais pas promis à Gabriel d’aller le chercher, je serais resté, bien sûr. »

Gertrude le poussa doucement sur le trottoir, et referma plus doucement encore la lourde porte. Puis elle revint dans sa cuisine et s’installa pour y passer, en somnolant, courbée sur la table, une grande partie de la nuit. Elle se réjouissait d’avoir réussi à faire sortir Balaoo. « Ça lui change les idées », se disait-elle, et elle se félicitait d’avoir préparé, dans ce but, à l’avance, sur le lit, la chemise au plastron éclatant et aux belles manchettes raides comme de l’acier et le faux-col haut, haut… toutes choses auxquelles ne résiste point un anthropopithèque[1].

Général Captain dit en français : « Bonne, nuit, madame !  »

Gertrude répondit poliment : « Bonne nuit, général Captain ! »

Tant de politesse ne pouvait durer. Général Captain éprouva le besoin de traiter, lui aussi, la vieille Gertrude

  1. Les nègres aussi ont une passion délirante pour le linge blanc bien empesé.