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BALAOO

même quand il allait au théâtre, il ne parvenait pas à chasser l’horrible pensée de la différence !

Les soupirs de Balaoo n’ont plus rien d’humain, ce soir ! Qu’il prenne garde ; il a déjà éveillé l’attention d’un sergent de ville et voilà que, derrière les grilles, un gardien qui fait sa ronde est resté, sans le voir, le pas suspendu. Le gardien a écouté d’où venaient ces souffles extraordinaires. Est-ce l’hippopotame qui se plaint ? l’éléphant qui appelle ? la panthère qui s’ennuie ? Non !… gardien… continue ta ronde… c’est Balaoo qui pleure… Et Balaoo, ça ne te regarde pas !…

Le gardien s’éloigna, et Balaoo, à mi-voix, exhala cette plainte qui était plutôt une complainte, qu’il emportait toujours avec lui, dans le fond de son triste cœur :

Patti Palang-Kaing ! Patti Palang-Kaing !
Pourquoi le Dieu des Chrétiens
N’a-t-il pas mes doigts lié,
Mes doigts de mains de souliers ?…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Patti Palang-Kaing ! Patti Palang-Kaing !
Demande au Dieu des Chrétiens
Pourquoi on a changé ma langue,
Ma langue de ma forêt de Bandang,
Et pourquoi j’ai appris à pleurer
Si on n’a pu mes doigts lier,
Mes doigts de mains de souliers !…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Patti Palang-Kaing ! Patti Palang-Kaing !
Redemande au dieu des Chrétiens,
Redemande ma langue,
Ma langue de ma forêt de Bandang !