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BALAOO

— Alors, continua la pauvre Zoé, il ouvrit la porte. Je ne l’avais jamais vu aussi pâle : « La fleur d’oranger, me dit-il, c’est une odeur qui se porte le jour des noces. » Et il descendit, en m’écartant brutalement de son chemin. Il alla, en reniflant, tout droit au salon dans lequel Madeleine avait attendu Patrice. Quand il sortit de ce salon, son visage était effrayant à voir. Il eut la force de me poser quelques questions avec sa mâchoire tremblante : « Où est Madeleine ? » Je lui répondis qu’elle était sortie. Il demanda aussi des nouvelles de M. Patrice et de vous, monsieur. Je ne savais que lui répondre et j’inventai une histoire, disant que vous alliez tous rentrer bientôt à la maison, quand il reprit sa terrible voix de gong de la forêt de Bandang : « L’odeur de fleur d’oranger, ça se porte chez M. le Maire !  » Il descendit, là-dessus, l’escalier en trois bonds et fut dans la rue. Je courus derrière lui…

Tout d’abord, il fut assez désemparé. Il cherchait l’odeur sans la retrouver. Elle n’était point sur le trottoir… il aspirait l’air de tous côtés… enfin, il fit le tour de la maison… entra dans la ruelle et retrouva l’odeur près de la petite porte… Il ne s’occupait pas plus de moi que si je n’avais pas été là… et n’entendait même pas ce que je lui disais… Il fut bientôt hors de la ruelle… j’avais toutes les peines du monde à le suivre. Il allait d’une rapidité folle, toujours le nez en l’air, bousculant les passants, les chevaux, les voitures et même arrêtant les omnibus… Je le vis entrer de loin à la mairie et puis ressortir presque aussitôt… Comme je savais que vous deviez prendre une voiture en sortant de la mairie pour vous rendre au restaurant, je me disais : « À cause de la voiture, il va peut-être perdre la piste… »

— Pardon !… interrompit encore Patrice, pardon ;