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BALAOO

nuit commençante, dans l’orage qui éclate sur la ville. Au fond de l’auto, Patrice croit tenir dans ses bras une morte, cependant que, dans le ronflement du moteur, la trépidante machine semble répéter éternellement : « Balaoo !… Balaoo !… Balaoo !… »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Balaoo ! » Ces trois syllabes remontent du fond de son tragique souvenir…

Patrice donne un coup de poing dans la vitre : l’auto stoppe devant une boutique. Cinq minutes après, le jeune homme remonte.

— D’où reviens-tu ? lui demande Madeleine, ressuscitée par l’arrêt brusque de la voiture.

— Je suis allé acheter un revolver.

— Pourquoi faire ?

— Pour tuer votre Balaoo.

— C’était bien inutile. On ne tue pas un anthropopithèque avec ce que tu viens d’acheter là !

— Un quoi ?…

Un anthropopithèque…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Enfin seuls dans le train qui les emporte, Patrice a écouté Madeleine. La jeune femme est arrivée, d’une voix blanche, au bout de son récit. Patrice n’ignore plus rien ! Courbé sur ses mains qui étreignent sa pauvre tête et cachant son honteux visage, il laisse, entre ses doigts, passer des mots qui vont frapper Madeleine au cœur comme des petits coups de marteau dur : toc ! toc ! toc ! « Voilà ce que c’est, dit la voix métallique et sèche et si lointaine de Patrice… voilà ce que c’est que d’avoir un oncle qui a des idées de génie. »

Madeleine se renverse en arrière sur la banquette, man-