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BALAOO

s’éloigner de la rue et de cette porte contre laquelle il lui semblait entendre encore, par instants, des frôlements.

Ils burent encore un bol de vin fumant, se serrèrent la main en se souhaitant bonne nuit. Patrice voulait s’excuser, ne trouvait pas les mots, avait peur de passer pour un lâche. L’autre le poussa :

— Allez donc ! allez donc, mon petit gas !

Puis Blondel grimpa sur le billard en bougonnant :

— V’là comme on vous élève les garçons, maintenant ; on en fait des demoiselles !

La tête sur l’oreiller, il alluma une cigarette dont il envoya la fumée au plafond. Par la petite porte entr’ouverte du passe-plats, Patrice le voyait parfaitement. Le clerc de notaire, sur son matelas disposé sur la table de l’office, était couché de telle sorte que sa tête se trouvait au niveau de la tête de Blondel, sur le billard. Et, tout à coup, ce que vit Patrice, par le petit carré du passe-plats le remplit d’une telle horreur que ses cheveux se dressèrent sur sa tête.

Il continuait simplement de voir la figure de Blondel, mais quelle figure ! La hideuse épouvante ne s’était jamais imprimée au masque d’un homme en traits plus atrocement bouleversés. Les yeux désorbités, la bouche ouverte mais incapable de laisser échapper aucun son, toute la physionomie affreusement crispée, Blondel fixait le plafond, sans faire un mouvement.

Patrice ne pouvait voir ce que voyait Blondel, et, si épouvanté qu’il fût lui-même, sa terreur n’était que le reflet de la terreur de l’autre.

Patrice tenta un mouvement pour se lever… Oui, il eut encore cette force et aussi cette bravoure, car il