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BALAOO

remuer… fuir… courir… Les jambes de Patrice sont en plomb, en plomb !… Ah ! il parvient à en allonger une hors du lit… une seule, sans bruit… mais qu’est-ce qu’il peut faire avec une seule jambe hors du lit ?… Et il sent bien qu’il n’aura jamais la force de sortir l’autre… S’il pouvait sortir l’autre… et se sauver… se sauver sur ses jambes de plomb !… Mais encore, dans un souffle rauque, là-bas, du côté du plafond, il y a un ricanement monstrueux dans lequel il entend très distinctement prononcer son nom : Patrice !…

Du coup, l’autre jambe est venue, et le voilà maintenant, les pieds par terre, sur les carreaux, mais les reins collés à son matelas… Oui, son nom prononcé là-haut, du côté du plafond, l’a collé irrémédiablement contre le lit improvisé… Pourquoi a-t-on prononcé son nom ?…

L’homme du plafond sait évidemment, évidemment… absolument qu’il est là, lui, Patrice, puisqu’il l’appelle par son nom et, bien charitablement, l’avertit de ne pas bouger…

… Alors, il ne bouge pas… Il obéit…

… Et du coup, le souffle s’est tu… l’haleine énorme venue du plafond… on ne l’entend plus !… on ne l’entend plus !

… Et on ne voit plus rien au-dessus du billard, par la petite fenêtre du passe-plats…

Si ! Si !… il revoit quelque chose, quelque chose qui revient, qui redescend un peu… les deux pieds de Blondel qui se balancent !… se balancent… et puis cessent peu à peu leur mouvement de pendule… et restent enfin immobiles la pointe en bas…

Il n’y a plus, maintenant, dans la salle du cabaret du