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BALAOO

— Voici celle qui sera ma femme, la femme d’Élie de Moabit.

Les autres s’avancèrent sur elle avec des regards de flamme. Elle vit qu’ils étaient armés et qu’ils se regardaient tous trois avec une grande haine. Elle comprit que les Trois Frères allaient se battre et qu’elle serait le butin du vainqueur.

Et les autres, avec leurs bras terribles, se l’arrachaient déjà ; déjà elle sentait autour d’elle leurs doigts monstrueux qui la déchiraient, quand elle poussa un grand cri qui roula au fond des échos de la forêt : Balaoo !… Balaoo !…

Et Balaoo parut.

Ah ! ce fut un combat de géants, une lutte mythologique avec la foudre du fusil moderne en plus. Mais, soit que les dieux anthropopithèques veillassent avec un soin jaloux sur leur héros terrestre, soit que la nature l’eût doué d’une chair impénétrable au vulgaire plomb de chasse des hommes, la foudre humaine fut impuissante à arrêter l’élan de ses bras vengeurs.

La forêt elle-même l’arma du terrible glaive, et l’arme tournoya autour des fronts…

Balaoo ! Balaoo ! Il était venu ! Il frappait pour elle ! Il tuait pour elle ses Trois Frères de la forêt !

En vain avait-elle appelé les hommes ! nul n’était venu ! Mais elle n’avait eu qu’à prononcer son nom pour qu’il se ruât dans la mêlée et en sortît vainqueur, le cher, formidable et doux et terrible Balaoo !…

Et pour elle, pour elle qui avait regardé Patrice tirer sur Balaoo sans qu’elle eût détourné son bras, pour elle qui, à genoux, au centre de Moabit, pendant que se déroulait le combat, ressemblait à un grand lys blanc !