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BALAOO

on préférait ne point les rencontrer, le soir ; et on évitait, en arrivant à Saint-Martin-des-Bois, de prendre par la lisière de la forêt, du côté de la chaumière accroupie au bord de la route où la vieille Vautrin, paralysée, finissait de mourir en racontant les histoires terribles du père qui avait été au bagne.

Ce dernier détail n’avait point empêché les Vautrin de faire figure politique dans le pays. Et ce n’était un secret pour personne que, pendant trois législatures, dans la circonscription de Belle-Étable, en distribuant, dans tous les villages des environs, des prospectus et des professions de foi, et en créant des incidents tumultueux dans les réunions publiques, ou, encore, en rendant le séjour du pays impossible aux concurrents qui se croyaient menacés dans leur existence, les Trois Frères eussent fortement contribué à l’élection d’un député, honneur de l’arrondissement et espoir de la Chambre.

Bien que leur demeure, au bord du chemin du bois, fût misérable, on les disait riches et mettant de côté, au fond des mystérieuses carrières de Moabit, le fruit de leurs larcins, ce qui expliquait qu’il était impossible d’en retrouver trace chez les recéleurs des environs. Eux, ils laissaient dire. On pouvait penser que cela les amusait d’être l’épouvante du pays et, au cabaret, ils allaient quelquefois jusqu’à encourager les racontars.

— Eh bien ! qu’est-ce qu’on dit de nous ? J’avons-t’y fait encore un mauvais coup, aujourd’hui ?

Tous trois se ressemblaient avec les mêmes démarches et les mêmes tics. Hubert, cependant, état le plus fort. Élie et Siméon étaient d’un roux beaucoup plus blond. On appelait ces deux derniers « les albinos »…

Patrice entraîna Madeleine hors de cette vision :