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BALAOO

cher la bougie, à quoi la vieille répondit que ça n’était pas la peine. Alors Zoé s’écarta de Barbe. La vieille ricanait d’une façon si sinistre que Patrice, sur son chaume, en eut un frisson jusque dans les moelles. Et les albinos aussi se prirent à ricaner. Zoé, seule, ne riait pas. Elle remettait la chaussette dans sa poche, tandis que Barbe glapissait : « Poitou d’Orient, c’est du rouget ! »

Patrice était en train de se demander quelle signification il fallait attacher à cette phrase étrange accompagnant la disparition de la chaussette au surjet dans la poche de Zoé, quand la porte s’ouvrit et Hubert fit son entrée.

Il avait le chapeau rabattu sur les yeux, un gros gourdin à la main et paraissait très las. Il était en blouse : une blouse sarreau qui lui descendait jusqu’aux genoux.

Après avoir repoussé bruyamment d’un coup de pied, par derrière, la porte, il resta planté là devant eux tous, sans bouger, le chapeau sur les yeux.

— Bonsoir, la mère, fit-il ; allons, vous autres, des fois qu’on viendrait me vider ?

Les deux albinos étaient déjà près de lui et glissaient leurs mains énormes sous le sarreau. Elles en sortaient avec des paquets de tabac qu’ils avaient trouvés sous la ceinture. Hubert s’expliqua :

— C’est le résultat d’un p’tit verre sur le zinc, chez la mère Soupe. Le débit venait de recevoir sa provision. J’ai aidé la vieille à faire son compte.

Il parlait sans remuer, les coudes collés au corps.

— Plus haut, ordonna-t-il à ses frères qui farfouillaient toujours sous la blouse en quête de butin.

Élie et Siméon conduisirent leurs recherches jusque sous les bras et sortirent de là deux bouteilles de fine