Page:Leroux - De l'humanité, de son principe, et de son avenir, Tome 1, 1860.djvu/225

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saint et de la charité également sainte et par conséquent nécessaire. Tous les préceptes des maîtres les plus excellents du christianisme ne sont jamais sortis de ce vague. La charité, comme ils l’ont conçue et enseignée, n’a jamais pu arriver à fonder une science véritable de la vie, parce qu’elle n’arrivait pas à relier le moi au non-moi, et qu’elle subalternisait l’égoïsme saint et nécessaire soit à l’amour des autres hommes, soit plutôt encore, comme je le montrerai tout à l’heure, à l’amour divin. Aussi n’est-ce pas à tort que l’égoïsme ou le moi s’est philosophiquement relevé plus tard, pour combattre cette charité qui l’avait subalternisé sans l’éclairer et le satisfaire. Le monde a abandonné peu à peu cette doctrine si belle de la charité ; et dix-huit siècles après que Jésus avait dit : "aimez Dieu de tout votre cœur, et votre prochain comme vous-même," il s’est trouvé des philosophes pour dire : "aimez-vous vous-même," et pour fonder la morale sur l’égoïsme et l’intérêt. Et quand ces philosophes renversaient ainsi la parole de Jésus, l’humanité tout entière semblait leur donner raison, en ne reconnaissant pour évidente, pour légitime, et pour sainte, que cette loi de la nature qui met notre vie dans nos besoins, dans nos désirs, dans notre propre individualité. Preuve sans réplique que l’axiome moral du christianisme