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Page:Leroux - L'Epouse du Soleil.djvu/106

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La température s’était, en effet, considérablement abaissée. Ils étaient parvenus dans la région des neiges. Ils étaient à une altitude de plus de quatorze mille pieds, presque au niveau du sommet du Mont-Blanc. Raymond recommença à subir le mal des montagnes, appelé dans le pays soroche ; le sang lui coula par le nez et par les oreilles et il tomba dans un état voisin du coma où il put oublier toutes ses douleurs morales. Il ne se retrouva aux prises avec son effroyable cauchemar que lorsqu’ils arrivèrent à Punho qui est une cité sur les bords du lac. Là, il réclama d’Orellana le Temple de la Mort avec une énergie farouche.

— Nous y allons ! lui répondit l’étrange vieillard ; mais il le fit passer d’abord sur la grande place où étaient rangées une centaine de jeunes Indiennes fort belles, aux jupes de couleur sombre et au corsage grand ouvert comme l’exige la mode, là-bas. Elles se tenaient accroupies en files symétriques et vendaient des fruits et des légumes desséchés par le froid.

— Ordinairement, elles sont deux cents, fit remarquer Orellana, mais les punchos rouges ont passé par ici et ont choisi les cent plus belles pour la cérémonie. C’est ainsi tous les dix ans.

Et il leur fit quelques achats avec l’argent de Raymond. Il se lesta également d’une gourde de pisco et ils sortirent de la ville. Ils arrivèrent sur le soir dans d’immenses marais d’où partaient à tire d’ailes des nuées d’oiseaux. Ils traversèrent ensuite une bruyère d’où s’enfuirent des lamas et des alpagas et enfin se trouvèrent en un certain endroit assez lugubre des rives du lac. Le lac Titicaca, dans sa cuvette de montagnes, est le plus haut des lacs de la terre. Les eaux, ce soir-là, en étaient sombres, lourdes et mortes.

Mais un orage grondait dans le lointain et bientôt toute la nature commença de s’animer. Les éclairs se succédèrent follement. La bourrasque fut dans son plein. Les vagues battirent furieusement le rivage et toutes les montagnes d’alentour furent illuminées par le feu du ciel. La pluie tomba à flots : « Tout ceci est très bon, car nous aurons beau temps demain,