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Agnès et d’Irène ne l’ont pas laissé tout à fait indifférent… c’est un petit enfant, mon papa. Nous l’aimerons bien, n’est-ce pas ?

Les voitures officielles, les calèches étaient déjà envahies par les membres de la Société qui se disposaient à aller faire visiter à François-Gaspard, les dernières fouilles incaïques aux environs de la ville, puis à prendre le chemin de fer pour les fouilles d’Ancouf. Le marquis était assis en face de l’académicien et tous deux étaient radieux. Marie-Thérèse, au passage, les salua et leur cria qu’ils allaient bientôt les rejoindre. En effet, il était entendu que ce soir-là, on se retrouverait pour y dîner et passer la nuit à la villa que le marquis possédait au bord de la mer, entre Lima et Ancon, ce qui permettrait à François-Gaspard de se livrer, dès le lendemain matin, à sa passion scientifique, car cette demeure estivale, déjà encombrée, comme un musée, des derniers trésors historiques arrachés à la terre, s’élevait au centre des fouilles mêmes.

Cependant, les deux jeunes gens, moins amateurs des choses de la mort que MM. les membres de la Société de Géographie et d’Archéologie, s’attardèrent à Lima que Marie-Thérèse voulait faire apprécier et aimer à Raymond. Ce n’est qu’après une longue promenade sur le paseo de Amancaes qu’ils songèrent à aller rejoindre le cortège. Ils partirent en auto, par un chemin impossible, déjà menacés par l’approche du soir et puis suivis par le vol sinistre des gallinazos, ces vautours noirs toujours affamés que l’on tolère cependant dans les rues, au Pérou, et même que l’on respecte, car les municipalités leur savent gré de contribuer à la propreté des rues.

L’auto avançait dans une plaine immense où se succédaient les haciendas, les poireros, prairies où se fait l’élevage des chevaux et séparées entre elles par des tapias, sorte de petits murs en terre d’un mètre environ. Et puis la plaine n’offrit plus guère à la vue que du sable, vaste étendue lugubre, toute jonchée d’ossements, étalant les restes des malheureux que les collectionneurs ont déterrés et laissé blanchir au soleil.

— Eh bien ! c’est gai par ici ! s’exclama Raymond.

Marie-Thérèse, tout en ne cessant de gouverner pour le mieux sa voiture, montra du doigt quelques métis qui avaient abandonné la garde des chevaux, au coin d’une hacienda, pour faire une partie de boules avec des crânes magnifiques : un tibia servait de but[1].

Ils arrivèrent bientôt aux environs d’Ancon où ils retrouvèrent le marquis, et

  1. Voyage de L. et J. Verbrugghe au Pérou.