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Page:Leroux - L’Homme qui revient de loin.djvu/135

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LA MAISON DU BORD DE L’EAU
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vent être empoisonnés… Est-ce qu’on sait jamais ?… Moi, j’en mange, je mange de tout ce qu’il m’offre dans l’espoir de mourir, n’est-ce pas ?… Mais vous, ça n’est pas la même chose… »

Ils la suivaient. Elle avait mis ses petits pieds dans de grosses galoches et ils s’en furent ainsi tous trois, par l’allée du milieu, bordée de buis, d’arbres fruitiers si vieux que l’écorce blanchie en tombait toute seule. Dieu ! que ce jardin était triste !… La pluie avait cessé, mais de toutes ces pauvres branches tordues et de ces dernières feuilles, le jardin pleurait goutte à goutte sa jeunesse à jamais enfuie et que personne n’avait jamais songé à renouveler.

Marthe avait jeté un fichu sur ses épaules, et s’en enveloppait frileusement, en attendant que les deux visiteurs l’eussent rejointe. M. et Mme de la Bossière comprirent bientôt où elle les conduisait.

Ils apercevaient à l’extrémité d’une double rangée de tilleuls, sur la gauche, le fameux kiosque où Marthe venait passer une partie de ses nuits.

C’était une petite boîte rustique, toute moussue, et dont le toit pointu avait d’épaisses garnitures de lierre relevé en panache comme un chapeau démodé. Les marches par lesquelles on accédait à la plate-forme étaient moisies, s’effritaient de vieillesse et d’humidité. Une rampe de bois vermoulue qui fléchissait sous la main bordait l’escalier.

Marthe semblait impatiente.