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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

Ah ! ce qu’elles avaient dû se monter encore leurs pauvres têtes, Mlle Hélier et elle !… ce qu’elles avaient imaginé !… et comme Fanny aurait ri de tout cela si justement ce qu’elles avaient imaginé n’avait pas été vrai !…

Mme de la Bossière se tamponna ses belles paupières meurtries de son fin mouchoir de batiste…

« Ma pauvre Marthe, vous me faites de la peine !… une peine ! Vous voilà plus malade que jamais !… je reviendrai vous voir demain !…

— C’est inutile !… Je ne veux pas que vous veniez… Je ne veux plus vous voir, à moins que ce ne soit absolument nécessaire et que le mort me l’ordonne !… Du reste, je sens que vous me détestez !… Et moi, je vous hais, ce qui n’est guère chrétien, mais je ne puis pas oublier, n’est-ce pas, que Jacques a tué André à cause de vous !… Ne le niez pas !… Il me l’a dit… vous vouliez devenir châtelaine de la Roseraie…

— C’est vous qui vouliez le devenir ! éclata Fanny, et c’est parce que vous ne l’êtes pas que vous êtes devenue folle ! »

Elle se retourna pour juger de l’effet produit par sa sortie, mais elle se trouva en face d’une figure lointaine, aux yeux sans regard extérieur…

« André sait bien que je n’ai jamais pensé qu’à lui », disait cette voix de rêve…

Et, en vérité, disant cela, elle semblait voir André… et encore la voix revêtit un accent