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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

était encore au couvent, non plus avec Mlle  Husson, mais avec la supérieure, de qui il disait qu’il y avait, « dans une seule cuisse de la supérieure de la Madeleine du Trainel, deux demoiselles Husson ».

» Moi, mon cher Adolphe, pendant ce temps, je vaquais à mes petites affaires et je commandais sans souci à mes trois mille hommes. Nous étions au mois de septembre ; les nuits étaient belles, et nous profitâmes de l’une d’elles pour pénétrer chez l’ambassadeur d’Espagne, qui habitait, rue de Tournon, l’ancien hôtel du maréchal d’Ancre, celui-là même qui fut occupé depuis par la garde de Paris. Nous nous introduisîmes dans la chambre à coucher de sa femme, nous emparant de toutes les robes, d’une boucle ornée de vingt-sept gros diamants (on dirait, mon cher Adolphe, que tout ceci s’est passé hier), d’un collier de perles fines, de six assiettes, de six couverts, de six couteaux et de dix gobelets en vermeil. (Quelle chose, mon cher Adolphe, quelle chose incompréhensible que le phénomène de la mémoire !) Nous roulâmes le tout dans une nappe et nous nous en fûmes souper chez la Belle Hélène, qui tenait, tu te le rappelles, le « cabaret de la Harpe », rue de la Harpe.

» Vraiment, vraiment, vraiment ! je ne puis comprendre pourquoi je t’ai dit : tu te le rappelles, à moins que, dans mon esprit, tu ne me représentes un ami que j’avais et qui était aussi bon que toi, et que j’aimais comme toi, et qui s’appelait Va-de-Bon-Cœur. Avec Magdeleine, dit Beaulieu, c’était mon favori. Ah ! par les tripes de Mme  de Phalaris ! c’était un beau et brave jeune homme ! Il était sergent aux gardes-françaises et lieutenant chez moi ; car il faut te dire, mon cher Adolphe, que je commandais à un nombre considérable de gardes-françaises. Lors de mon arrestation, à laquelle devait