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SUITE DE L’HISTOIRE DE CARTOUCHE

se prit à rire, avec de grands éclats, de la déconfiture de M. Law. Je riais aussi. Je dis à M. Law que son collier valait dix mille louis, mais que, s’il voulait envoyer le lendemain, vers cinq heures de relevée, un homme de confiance au coin de la rue de Vaugirard et de la rue des Fossés-Monsieur-le-Prince, avec cinq mille louis, on lui remettrait le collier, parole d’honneur de Cartouche ! Il me répondit que c’était marché conclu et nous prîmes congé les uns des autres.

» Deux jours après, on raconta l’aventure au régent, qui fut dans la joie d’abord, mais qui changea de visage quand il sut la fin de l’événement. L’homme de Law avait donné les cinq mille louis, comme il avait été entendu, à l’homme de Cartouche, et il attendait l’écrin, quand l’autre lui répondit que Cartouche s’était déjà chargé de le porter lui-même à Mlle  Émilie. Law courut chez la courtisane, vit le collier et en demanda le prix. « C’est déjà touché », répliqua Émilie en lui tournant le dos. « Et par qui ? » s’écria M. le surintendant. « Mais évidemment par celui qui m’a apporté le collier, par Cartouche, qui sort d’ici ! Ne devais-je pas payer contre réception du collier ? Et tout de suite ! Je n’ai point de crédit, moi, ajouta-t-elle en s’esclaffant sur la mine déconfite de l’homme de la rue Quincampoix, et je ne pouvais lui donner d’actions de mon Missipipi !… »

» Au Palais-Royal, le mot, mon cher Adolphe, eut le succès que tu devines. Il n’empêche que le régent trouva que j’avais dépassé ses instructions et fit revenir encore M. d’Argenson de sa Madeleine du Trainel pour l’entretenir de la méchante humeur où il était à mon endroit. De fait, mon cher Adolphe, j’étais très porté sur les femmes et elles contribuèrent pour beaucoup à ma perte. À ce propos, toi qui me connais, et qui sais la sagesse de mes mœurs et de mon amour exclusif de