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ÉTRANGE ATTITUDE D’UN PETIT CHAT VIOLET

— Le chat violet est sur la table à thé ?

— Oui…

— Es-tu bien sûr qu’il était hier soir à sa place ?…

— Tout à fait sûr. Je lui ai piqué dans la tête l’épingle de ma cravate. Il était sur le bureau, comme toujours.

— Tu auras cru, tu auras cru, fit Marceline. Si je faisais de la lumière ?…

— Non, non. On peut s’échapper dans l’obscurité… Si j’allais ouvrir la porte du palier ? On pourrait appeler la concierge !

— Ne t’épouvante donc pas, fit Marceline qui reprenait peu à peu ses sens depuis qu’elle n’entendait plus le chat violet. C’est une illusion que nous avons eue. Tu l’as changé de place hier soir et il n’a pas ronronné !

— Après tout, c’est bien possible, dit Théophraste qui ne demandait qu’à se recoucher.

— Remets-le à sa place, insista Marceline.

Théophraste s’y décida. Il alla dans le bureau et, d’une main hâtive et tremblante, prit le chat sur la table à thé, le replaça sur le bureau et revint s’étendre dans la douce chaleur du lit. Le chat violet n’était pas plus tôt sur le bureau qu’il se reprit à ronronner : ron ron ron ron. Mais cette fois, bien qu’ils l’entendissent parfaitement, ni Théophraste ni Marceline ne s’effrayèrent. Ils sourirent même dans les ténèbres de la peur qu’ils avaient eue. Cependant, ils ne se rendormirent point tout de suite, même après que le deuxième ronron eut cessé. Un quart d’heure venait de s’écouler, quand une seconde épouvante les redressa à nouveau sur leur séant. Un troisième ronron se faisait entendre. Si le premier ronron les avait comblés d’effroi, si le second ronron les avait fait sourire, le troisième ronron (suivez bien la succession des ronrons, car je vous jure que ce n’est pas risible) les enivra de terreur.