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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

du « Rendez-vous des maraîchers », lui indiqua la position qu’il devait prendre : écarter les jambes et s’appuyer, en baissant la tête et en levant les bras recourbés, contre cette muraille.

— Je te place ici, dit-il, à cause de la petite corniche qui est à gauche. Je me rappelle qu’elle est très commode.

— Et puis après ? dit Adolphe.

— Après, puisque tu es ma base de colonne, je monte sur cette base et alors…

Avant, mais bien avant que M. Lecamus ait eu le temps d’imaginer un mouvement, Théophraste avait grimpé sur ses épaules, sauté sur la corniche et, passant d’un bond de la corniche de l’hôtel Notre-Dame au balcon de l’hôtel d’à côté, pénétré dans une chambre dont la fenêtre était restée entr’ouverte.

M. Lecamus, stupéfait et consterné, regardait en l’air et se demandait, bouche bée, par où avait bien pu s’évanouir son ami Théophraste, quand des cris perçants commencèrent à emplir la rue. Une voix désespérée hurlait : « Au secours ! Au voleur ! À l’assassin ! »

— J’aurais dû m’en douter ! s’écria M. Lecamus, et, craignant déjà quelque catastrophe, il se précipita dans l’hôtel d’où partaient les appels, cependant que, dans la rue, les passants s’arrêtaient ou accouraient en grande hâte.

Il franchit un vaste escalier avec une vélocité de jeune homme et arriva au premier étage dans le moment qu’une porte s’ouvrait et qu’apparaissait Théophraste, son chapeau à la main. Il saluait très bas une vieille dame dont les dents claquaient d’effroi et dont la figure était tout emmêlée de papillotes. Il lui disait :

— Chère madame, si j’avais cru un instant vous causer une aussi désagréable surprise en pénétrant dans votre salon par la fenêtre, je serais resté bien tranquil-