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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

mais de la vieillesse si hâtivement acquise au fond des tombeaux, où quelques minutes de pourriture vieillissent davantage que cent ans de vie. Était-il déjà mort ? Se décomposait-il déjà[1] ? M. de la Nox répétait ses grands gestes de fou sublime et un peu ridicule et lui ressoufflait sur les yeux à lui faire voler les cils, et recommençait à crier :

» — Théophraste Longuet ! Réveille-toi ! Réveille-toi ! Théophraste Longuet !…

» Dans le moment que nous croyions bien que Théophraste Longuet ne se réveillerait jamais plus, il se réveilla. Il tourna ses yeux vers nous en poussant un effrayant soupir, et nous dit simplement :

» — Bonzour ! Cartouce est mort !

» M. de la Nox nous dit :

» — Remercions Dieu : l’opération a réussi, et il recommença sa prière :

» — Au commencement tu étais le Silence ! Éon ! source des Éons !…

» Mme  Longuet et moi nous nous étions précipités sur Théophraste en remerciant Dieu du fond du cœur. Certes ! l’opération avait été rude et, cependant, nous nous félicitions que Théophraste s’en tirât, en somme, avec un pot de teinture pour ses cheveux et un râtelier. Ce n’était pas acheter trop cher la mort de Cartouche. Nous lui dîmes de se lever et de nous suivre. Nous avions hâte de fuir cette maison de la rue de la Huchette, où il me semblait que nous étions depuis plus

  1. Il est évident que M. Lecamus, qui a de l’imagination et de la lecture, se laisse aller à l’une et aux souvenirs de l’autre. Il est hanté là par « le cas de M. Valdemar », et il a tort, car l’auteur de ces lignes, qui a pu interroger dernièrement M. de La Nox, a su que Théophraste n’a jamais, à aucun moment de cette opération, tourné au vert.