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Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/243

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LA PARTIE DE DOMINOS

que l’inconnu lui avait expédiées dès le lendemain de cette exceptionnelle nuit, sous le prétexte que son souper avait été exquis, mais que le champagne seul avait « laissé à désirer ». Elle craignait que, comme l’anneau, le champagne n’eût été volé. Le commissaire quitta la belle Mme de Bithynie tout rêveur. (Le nom nous échappe en toutes lettres ; nous ne le rattrapons point. Rien n’eût pu faire que demain il ne fût dans toutes les bouches, car tout le monde va s’occuper désormais du nouveau Cartouche.)

» Cette petite aventure, qui est la moindre de celles que nous avons à conter, est la reproduction quasi-fidèle de ce qui s’est passé, dans la nuit du 13 juillet 1721, chez Mme la maréchale de Boufflers. Elle procédait, elle aussi, à sa toilette. Le jeune homme qui survint par le balcon n’avait pas dans la main de revolver au brillant nickel, mais il portait à la ceinture six pistolets anglais, il demanda à souper, après s’être présenté comme Louis-Dominique Cartouche. Et la veuve de Louis-François duc de Boufflers, pair et maréchal de France, héros de Lille et de Malplaquet, soupa avec Cartouche et, ma foi, fort avant dans la nuit.

» Cartouche ne se plaignit que du champagne et Mme de Boufflers en reçut cent bouteilles le lendemain ; il les avait fait prendre par son sommelier Patapon dans les caves d’un gros financier.

» À quelque temps de là, une des bandes de Cartouche arrêtait, la nuit, dans une rue de Paris, un équipage. Cartouche se pencha dans la voiture pour reconnaître les visages. C’était Mme la maréchale de Boufflers. Il se retourna vers ses gens.

» — Laissez passer librement, aujourd’hui et toujours, Mme la maréchale de Boufflers ! ordonna-t-il d’une voix retentissante.