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LA REVANCHE DU VEAU

qui fut tout à coup épouvantée de ce qu’elle venait de dire. (En effet, interrompis-je, pourquoi cette imprudente femme dit-elle : Il avait un bon cœur ? Il ne l’avait donc plus, son cœur ?… Oh ! les femmes sont tout à fait imprudentes…)

» Là-dessus, le petit commis, qui s’était pris, sans savoir au juste pourquoi, à pleurer comme un veau, trempa ses mains dans le seau d’eau froide qui est placé à côté de la chaudière et, les ayant ainsi refroidies, les plongea dans la chaudière, cherchant la tête du veau ou plutôt la tête de l’animal à la viande si blanche qui pendait au tinet, et il tira une tête, en effet.

» Mais quand elle vit cette tête, Mme Houdry s’évanouit, car elle avait reconnu la tête de son mari. (Je l’avais bien dit ! interrompis-je. Et mes pressentiments ne me trompent point ! Je redoutais un grand malheur ! Et le voilà ! Je répétais tous les jours à M. Houdry de se méfier ; qu’on ne tue pas tant de veaux sans que ça se sache chez les veaux. Mais il riait, il se moquait de moi ! — Félicitations, monsieur Houdry ! félicitations ! — Le calcul des probabilités est là, n’est-ce pas ? Rien n’y faisait ! ni le regard du veau : ni le calcul des probabilités ! Je lui disais : « Mon cher monsieur Houdry, si un boucher peut tuer plus de mille veaux à Paris, quand c’est défendu, il se trouvera bien un veau pour tuer un boucher ! Et le boucher n’aura rien à dire, car ce sera le droit du veau. » Et voilà ! Et voilà ! Le veau a découpé le boucher ! Enfin ! ça n’est la faute de personne !… Mais continuons cette intéressante lecture) :

« Si Mme Houdry avait tout de suite reconnu la tête de son mari, le petit commis, lui, dut l’examiner de plus près pour être sûr que c’était là la tête de son patron. C’était une tête bien coupée, bien raffinée, bien