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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

connus Cartouche ? Il eût été incroyable que ce paquet ne m’eût point accompagné dans ma chute. Sans me lever, car un mouvement imprudent pouvait me faire perdre la connaissance de l’endroit exact où j’étais tombé, je tendis les mains autour de moi et fus assez heureux pour ramener mon paquet. Je redoutai que ces lampes ne fussent brisées, mais je sentis bientôt qu’il n’en était rien et, ayant défait le paquet, je pris l’une d’elles et appuyai sur le bouton. Le souterrain s’éclaira d’une lueur féerique et je ne pus m’empêcher de sourire en pensant au malheureux qui, enfermé dans quelque caverne, se traîne généralement, en retenant son souffle, derrière un lumignon chétif qui a hâte de s’éteindre :

» Je me levai alors et j’examinai la voûte. J’étais au courant des travaux de réfection de la voie ; je savais qu’ils touchaient à leur fin, et quand je constatai que le trou par lequel j’étais descendu était bouché définitivement, je n’en conçus aucun étonnement. Maintenant, quelques mètres de terre me séparaient des vivants, sans qu’il me fût possible d’atteindre à cette terre même, tant la voûte était haute. Je fis du reste ces observations sans effroi, et ayant dirigé mon étoile électrique sur le sol, j’aperçus un corps.

» C’était le corps de M. Théophraste Longuet, le corps du nouveau Cartouche. Je l’examinai et je remarquai qu’il ne portait aucune trace de blessures graves. L’homme devait être étourdi, ainsi que je l’avais été moi-même, et sans doute il ne tarderait point à sortir de cet évanouissement. Je me rappelai que M. Lecamus m’avait présenté, un jour, son ami aux Champs-Élysées, et voilà que j’allais avoir affaire à lui comme au pire des assassins.

» Sur ces entrefaites, M. Longuet poussa un soupir,