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Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/294

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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

» Ici, M. Longuet m’interrompit et me demanda pourquoi, en terminant mes phrases, j’avais toujours ce geste du pouce de la main droite dont je ne puis me défaire « depuis le buste de César ».

» — Serait-ce, monsieur le commissaire, que ce geste du pouce vous vient de l’habitude de mettre les « poucettes ? »

» Je lui répondis que non, mais que je le tenais de ce que, ami des beaux-arts, je me livrais souvent à celui de la sculpture. C’est, lui expliquai-je, le geste du modelage. J’enfonce mon pouce dans mon discours comme dans ma glaise…

» Il me remercia en s’étonnant qu’un commissaire de police s’occupât de sculpture. Je lui répondis que c’était le nouveau jeu.

» Et maintenant que je connais les événements, je puis dire avec un certain orgueil que si je n’avais pas été sculpteur, nous ne serions jamais sortis des catacombes !

» Ayant remonté ma montre dans le moment que M. Longuet éternuait, raconte M. Mifroid, nous étions fixés sur l’écoulement des jours et des nuits. Je laissai ma montre dans la poche de M. Longuet, ce dont il me remercia en me disant que : « d’avoir ma montre dans sa poche, cela le soulagerait beaucoup. »

» Qu’est-ce que cela, au fond, pouvait me faire, qu’il eût ma montre, puisque je savais où était l’heure ?

» Je n’eusse jamais pensé cette dernière phrase hors des catacombes, et, maintenant, je la jugeais sans importance. Or, cette phrase renferme une révolution, auprès de laquelle les bouleversements sociaux de 1793 sont de petits jouets de peuple en enfance. Je devais m’en rendre compte à quelque temps de là.

» Le chemin que nous suivions était une galerie assez vaste, de quatre à cinq mètres de haut. Les parois en