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Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/298

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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

» — Ne vous étonnez point, monsieur Longuet. J’ai été secrétaire du commissaire, autrefois, dans le quartier, et il m’a plu de m’intéresser aux catacombes, comme il m’a plu depuis de faire du violon et de la sculpture. Vous en êtes resté au commissaire de police vieux jeu, permettez-moi de vous le dire en passant, mon cher monsieur Théophraste Longuet !

» Pan ! dans l’œil ! Il ne répliqua point.

» — Vous disiez donc que Colbert, le 11 juillet 1678 ?

» — … Pour mettre un frein à la cupidité des entrepreneurs, fit rendre une ordonnance qui bouchait les issues des catacombes… L’ordonnance de Colbert, mon cher monsieur Longuet, nous a quasi murés.

» À ce moment, nous frôlâmes un pilier énorme. J’en examinai la structure et je dis, sans m’arrêter :

» — Voici un pilier qui a été bâti par les architectes de Louis XVI en 1778, lors des consolidations !

» — Ce pauvre Louis XVI ! dit M. Longuet : il eût mieux fait de consolider la royauté.

» — C’eût été, répliquai-je avec à-propos, consolider une catacombe ! (Cependant je crois que catacombes ne s’emploient qu’au pluriel.)

» M. Longuet m’avait pris la lampe électrique des mains et ne cessait d’en diriger les rayons à droite et à gauche, comme s’il cherchait quelque chose ; je lui demandai la raison de ce geste qui finissait par me fatiguer les yeux.

» — Je cherche, dit-il, des cadavres.

» — Des cadavres ?

» — Des squelettes. On m’avait dit que les murs des catacombes étaient « tapissés » de squelettes.

» — Oh ! mon ami, cette tapisserie macabre (je l’appelais déjà mon ami, tant sa sérénité, en une aussi grave occurrence, était faite pour me ravir), cette ta-