» — Ils n’ont pas besoin de voir clair, puisqu’ils vivent dans l’obscurité. La nature est parfaite ! crus-je devoir alors m’écrier, et jamais je ne m’élèverai avec assez de colère contre ceux qui nient cette perfection ! Il est parfait que la nature donne des yeux à ceux qui en ont besoin ! Il est parfait que la nature les ôte à ceux à qui ils ne sont plus nécessaires !
» Théophraste fut frappé de mes paroles.
» — Alors, me dit-il, nous, si nous continuions à vivre dans les catacombes, nous finirions par ne plus avoir d’yeux ?
» — Évidemment ! Nous, nous commencerions à perdre l’usage du regard et le regard lui-même. Nos enfants perdraient bientôt les yeux !
» — Nos enfants !… s’écria-t-il.
» Nous rimes beaucoup de ce léger lapsus.
» Puis, comme il insistait encore à ce que je l’entretinsse des poissons que nous pouvions trouver dans les catacombes et que nous pourrions peut-être manger, je fus ainsi amené à lui faire une sorte de cours sur les modifications des organes, leur développement excessif ou leur atrophie, suivant les milieux fréquentés par les individus.
» — Si les poissons dont je vous parle n’ont plus d’yeux… fis-je.
» — Oh ! ça m’est égal, je ne mange jamais la tête…
» — … En revanche, leurs organes sensoriels présentent de profondes modifications. Ainsi, l’asellus aquaticus, dans l’espèce normale même, est armé de petits organes aplatis, ovulaires, terminés par un pore, que l’on considère comme des organes olfactifs. Ce sont de véritables bâtonnets olfactifs. En outre, différents poils, les uns ramifiés, les autres droits, sont, à n’en point douter, des poils tactiles…