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Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/52

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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

— Ah ! quelquefois ? demanda Théophraste, qui sentait son cœur battre avec un grand tumulte.

— Oui, il y a des exemples. Ainsi Ptolémée Césarion, fils de César et de Cléopâtre, qui était roi d’Égypte trente ans avant Jésus-Christ, se rappelait fort bien avoir été Pythagore, un philosophe grec qui avait vécu six cents ans auparavant.

— Pas possible ! s’écrièrent les dames, cependant que les messieurs souriaient.

— Il ne faut pas rire, messieurs. Il est impossible de parler de choses plus sérieuses, fit Adolphe sévèrement.

Il reprit :

— Notre transformisme actuel, qui est le dernier mot de la science, est en plein accord avec la théorie de la réincarnation. Qu’est-ce que le transformisme, sinon l’idée d’après laquelle les êtres vivants se transforment progressivement les uns dans les autres ? La Nature se présente à nous sous l’aspect d’une étincelle élaboratrice perfectionnant sans cesse les types créés pour atteindre un idéal qui sera le couronnement définitif de la Loi du Progrès ! Comme la fin de la nature est unique, ce que la nature fait pour les corps, elle le fait aussi pour les âmes. Je puis vous l’affirmer, répéta Adolphe, car j’ai beaucoup étudié cette question, qui est à l’origine de toute science qui se respecte.

M. Adolphe n’était point compris de la compagnie, ce dont il s’enorgueillissait intérieurement ; il n’en était pas moins écouté avec extase et il se plaisait à voir que Théophraste, qui était d’ordinaire rebelle à ce genre de conversation, semblait y prendre un plaisir extrême. Il se lança dans des considérations que je veux abréger ici, mais dont je donnerai tout de même un léger aperçu pour que les mauvais esprits, qui pourraient s’imaginer que cette histoire extraordinaire de Théo-