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M. LONGUET A SA PLUME NOIRE

à l’heure, je vous ai croisés et j’ai entendu que vous disputiez sur l’immortalité de l’âme.

— Monsieur, fit Théophraste, qui n’avait encore rien dit, mon ami Adolphe et moi, nous aimons à nous entretenir de choses sérieuses. Il est vrai que nous parlions, pas plus tard que tout à l’heure, de l’âme et du corps et des différentes manières que l’âme a de se comporter avec le corps.

— Eh ! en seriez-vous encore, cher monsieur, fit M. Mifroid, qui avait le plus grand désir de briller devant Marceline, à distinguer entre la matière et l’esprit ? La matière et l’esprit sont même chose aux yeux de la science, c’est-à-dire qu’ils constituent une même unité dans une même Force, à la fois produit et phénomène, cause et effet, tendant à un but unique : la montée progressive de l’Être. Vous êtes les seuls, messieurs, à faire encore cette antique démarcation de la matière et de l’esprit.

Théophraste n’était point content. Il dit :

— Nous faisons, monsieur, ce que nous pouvons.

Le groupe était revenu à la place de la Concorde. À l’entrée de la rue Royale, il y avait une grande agglomération de populaire, gesticulante et tumultueuse.

Théophraste, en vieux Parisien, voulut immédiatement savoir ce qui se passait et se jeta dans la foule.

— Prends garde aux pickpockets ! lui cria Marceline.

— Oh ! madame, fit le commissaire de police Mifroid, il n’y a pas de pickpockets quand on est avec le commissaire de police Mifroid.

— C’est vrai, monsieur, fit Marceline avec un aimable sourire, vous êtes là et nous ne courons aucun danger.

— Je n’en sais rien, dit Adolphe en regardant Mifroid.