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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

Théophraste était d’une tristesse effrayante à voir. Il rompit le premier le silence. Il dit :

— Je n’ai plus rien dans mes poches…

— Oh ! mon ami ! fit Marceline, dans un soupir de reproche.

— Mon pauvre ami ! accentua Adolphe, qui craignait de laisser pénétrer sa pensée.

— Je crois bien, murmura Théophraste, qui épongeait la sueur froide de son front avec un mouchoir dont il ignorait la provenance, je crois bien que j’ai eu ma plume noire ?…

Marceline et Adolphe, atterrés, se taisaient encore.

Théophraste les regarda, essuya les verres de ses lunettes ; il sourit et dit :

Après tout, dans ce temps-là, c’était peut-être un jeu de société !

Et il se fourra l’index de la main droite dans la bouche, geste familier qui indiquait chez Théophraste une préoccupation excessive. Ni Marceline, ni Adolphe, ni Théophraste n’osaient toucher un seul de ces objets inconnus qui surchargeaient la table.

— Mon ami, reprit Marceline, retire ton doigt de ta bouche et dis-nous comment tu as fait pour avoir sur toi trois montres, six mouchoirs, quatre portefeuilles et dix-huit porte-monnaie, sans compter le mouchoir et le portefeuille de M. le commissaire Mifroid. J’ai retourné ce matin toutes tes poches, en nettoyant tes effets, et je n’y ai trouvé, comme à l’ordinaire, que quelques grains de tabac.

— Il y avait, place de la Concorde, fit Théophraste, une agglomération ; je suis entré dedans et j’en suis sorti avec tout cela ; c’est bien simple.

— Qu’est-ce que nous allons en faire ? demanda Adolphe d’une voix grave.