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LE PORTRAIT

— Théophraste, ce qui vient de se passer n’est pas naturel. Il faut tâcher à nous expliquer. Il faut nous efforcer de comprendre. Il ne faut point fermer les yeux, mon ami. Il faut les ouvrir ! les ouvrir tout grands à ton malheur, si malheur il y a, afin de le combattre.

— De quel malheur parles-tu ? demanda Théophraste, redevenu timide, et prenant, dans sa détresse, la main de Marceline.

— C’est toujours un malheur d’avoir dans ses poches des choses qui ne vous appartiennent pas.

— Il n’y a que cela dans les poches des prestidigitateurs ! s’écria Théophraste avec force. Et les prestidigitateurs sont d’honnêtes gens. Et Théophraste Longuet est un honnête homme, par les tripes de Mme  de Phalaris !

Ayant dit ces choses, il retomba, exténué, sur sa chaise, et entre eux trois, il y eut un grand silence.

Quand Théophraste sortit de sa torpeur, ses yeux étaient pleins de larmes. Il fit signe à son ami et à sa femme d’approcher tout près de lui et, quand ils furent à ses côtés, il marqua une émotion pitoyable.

— Je sens, dit-il, qu’Adolphe a raison. Un grand malheur me menace… Je ne sais lequel ! Je ne sais lequel ! Mon Dieu ! mon Dieu ! je ne sais lequel !

Et il pleura… Adolphe et Marceline tentèrent de le consoler, mais il pleura encore, et ils eurent, eux aussi, la douceur de pleurer. Ils s’étreignirent tous les trois. Théophraste les tenait embrassés.

— Jurez-moi, disait ce brave et honnête homme, jurez-moi de ne m’abandonner jamais, quoi qu’il arrive !

Ils le jurèrent, de bonne foi. Alors Adolphe exigea qu’il lui apportât le document. Il alla le lui chercher. Ils se rassirent, après s’être mouchés bruyamment. Adolphe