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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/109

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LA MACHINE À ASSASSINER
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Un homme à figure chafouine, et tout grelottant dans un pardessus d’occasion, les souliers maculés d’une boue neigeuse, se présenta, les épaules courbées, le front humble, les yeux obliques :

— Messieurs !… commença-t-il, je vous demande pardon de me présenter dans cet état, mais depuis que l’on m’a volé ma petite voiture…

— Asseyez-vous, monsieur !… vous m’êtes recommandé par M. l’avocat général Gassier…

— Sans quoi je n’eusse jamais osé venir vous trouver !… je vous demande la plus grande discrétion… c’est une question de vie ou de mort ! Monsieur, je suis monsieur Lavieuville, marguillier à Saint-Louis-en-l’Île… j’avais une petite voiture automobile à conduite intérieure…

— Pardon !… monsieur !… pardon !… M. l’avocat général Gassier me dit que vous désirez me parler à propos de l’affaire de Corbillères !…

— Justement, monsieur le directeur, nous y sommes ! Ma voiture m’a été volée par Bénédict Masson !

— Alors, c’est une vieille histoire, monsieur, et je crois qu’il est un peu tard pour la lui réclamer !

— Eh ! monsieur, ce n’est pas une si vieille histoire que cela ! Elle ne date pas de huit jours !

— Mais, monsieur, vous oubliez que Bénédict Masson a été exécuté il y a plus de trois semaines…

— C’est bien pourquoi je viens vous trouver, monsieur ! Ce qui m’arrive est inimaginable, et sans M. l’avocat général Gassier, à qui j’ai tout raconté, preuves en main, je n’eusse jamais osé, je vous le répète, venir vous trouver…

M. Bessières leva les bras au plafond, se laissa tomber sur un siège, se prit la tête dans les mains en proie à une fureur sombre qu’il parvint cependant à dompter et il jeta au visiteur, d’une mâchoire féroce :

— Parlez, monsieur, je vous écoute !…