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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/121

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LA MACHINE À ASSASSINER
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poupée sanglante, elle, ne parle pas !… mais elle écrit !… et avec du sang !) et le bruit intérieur des rouages, ressorts et échappements, qu’on entendait alors, produisait une véritable prononciation… Enfin, cet automate était un gentleman accompli, et, pour en faire tout à fait un homme, il ne lui manquait qu’une âme. Mais cette âme, son créateur ne pouvait la lui donner et la pauvre créature, arrivée à la conscience de son imperfection, tourmentait jour et nuit son créateur, en le suppliant de lui donner une âme. Cette prière, qui devenait chaque jour plus pressante, finît par devenir tellement insupportable au pauvre artiste qu’il prit la fuite pour se dérober à son chef-d’œuvre. Mais la machine-homme prend tout de suite la piste, le poursuit sur tout le continent, ne cesse de courir à ses trousses, l’attrape quelquefois et grogne à ses oreilles : Give me a soul !… (donnez-moi une âme !)

« Tel est le conte de Henri Heine, continuait la note de la rédaction. M. Jacques Cotentin, prosecteur à l’École de médecine de Paris (nous donnons tous les noms pour que dans cette prodigieuse histoire chacun soit obligé de prendre ses responsabilités et que, s’il y a autre chose qu’un conte, on ne puisse nous soupçonner d’avoir servi les intérêts de quiconque a été mêlé, de près ou de loin, au très inquiétant procès de Bénédict Masson), M. Jacques Cotentin, qui, lui, aurait donné, en même temps qu’un cerveau, une âme à sa poupée (et quelle âme !), n’est point poursuivi par son automate !… C’est lui qui le poursuit !… L’a-t-il rejoint ? Après avoir retrouvé les vêtements ensanglantés de sa fiancée, a-t-il pu enfin arrêter cette « machine à assassiner » qu’il aurait lancée sur le monde ?… Voilà ce que l’on se demandait, cette nuit encore, autour de M. Bessières !…

« Nous pouvons affirmer encore une chose, c’est qu’on ne traite plus cette affaire comme un conte, rue des Saussaies, et qu’au moment où nous mettons sous presse on se demande si le prosecteur n’aurait pas été victime, lui aussi, de son invention !…