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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/13

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I

LA « CAMOMILLE » DE Mlle BARESCAT

Voici une petite rue paisible, endormie depuis deux siècles, où le plus gros événement de la journée pour certains fossiles qui achèvent de sécher derrière la porte de leur boutique ou les rideaux de leur fenêtre, est un couple de touristes égarés qui passe, une visite inattendue chez le voisin, la sortie inopinée d’une jeune personne qui a mis une toilette neuve, les stations répétées de « la demoiselle de l’horloger » chez le relieur d’art, et, tout à coup, ce quartier apprend que le relieur d’art est arrêté pour avoir chauffé son poêle avec une demi-douzaine de pauvres femmes qui s’en sont ainsi allées en fumée et qu’il a été surpris dans sa besogne d’enfer par cette même demoiselle de l’horloger qui n’a dû qu’à un miracle d’échapper au sort qui l’attendait !

Il n’est certes point difficile d’imaginer la perturbation apportée dans les mœurs et les habitudes de ce coin de l’Île Saint-Louis et, particulièrement, dans la société de Mlle Barescat, mercière, par ce drame épouvantable.

Du quai de Béthune à l’Estacade, on vivait sous le « régime de la terreur »… comme disait Mme Langlois, l’ex-femme de ménage de cet affreux Bénédict.

Le commerce de la serrurerie avait fait, dans l’Île Saint-Louis, de brillantes affaires, pendant les mois qui s’étaient