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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/144

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GASTON LEROUX

conversation, n’eut rien de plus pressé que de raconter l’histoire (par téléphone) à ses amis et connaissances. Quelques heures plus tard tout Paris la connaissait… La poupée ne respectait rien ni personne… et elle était partout ! Après les grands magasins, les églises ; après les églises, les tramways et autobus…

Ce jour même, à cinq heures, Mme Sarah Tricoche, confectionneuse en chaussures, demeurant à Saint-Maur, avait pris place à l’arrêt, près de l’église de Belleville « en compagnie de son garçonnet » (style des faits divers) dans un autobus Saint-Fargeau-Louvre, se dirigeant vers la porte Saint-Denis. Elle s’était assise sur une banquette de première classe du premier rang à l’avant et à gauche et avait installé son fils près d’elle. Sur la banquette, vis-à-vis, se tenait un seul voyageur, un monsieur correctement vêtu.

Soudain, comme Mme Tricoche se baissait pour installer sous la banquette un paquet de marchandises qu’elle allait livrer, elle sentit près du poignet une vive douleur.

Sans perdre son sang-froid, saisissant la main du voyageur d’en face qui s’était baissé en même temps qu’elle, Mme Tricoche s’écriait : « Vous m’avez piquée ! »

Et la voyageuse montrait à l’appui de son dire une petite blessure noirâtre qui apparaissait sur sa main.

Le cri de la voyageuse avait, comme bien l’on pense, provoqué une violente émotion parmi les occupants de l’autobus. L’homme, qui avait violemment dégagé sa main de l’étreinte, protestait hautement de son innocence, cependant que plusieurs voyageurs, parmi lesquels un agent en civil, l’entouraient et l’appréhendaient.

Immédiatement fouillé, celui que l’on accusait ainsi ne fut trouvé porteur d’aucun instrument piquant, et les recherches opérées aussitôt sur la banquette et le plancher de l’autobus ne firent rien découvrir de suspect.

Cependant la plaie que portait la victime attestait d’une façon formelle qu’elle avait reçu une piqûre.