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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/17

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LA MACHINE À ASSASSINER
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— L’anisette ! j’ai toujours aimé ça, moi, proclama Mme Langlois, qui n’avait encore rien dit.

Elle se rendait parfaitement compte de son importance et savait combien ses paroles étaient attendues. Aussi elle se réservait. Elle se faisait prier pour raconter l’exécution de Melun comme une demoiselle de l’ancienne petite bourgeoisie pour se mettre au piano.

Enfin, sur la prière de tous, elle se décida. Elle raconta ce voyage héroïque dans tous ses détails. Elle n’oublia rien. Avec un mot de M. Lavieuville, elle était allée tout de suite chez l’avocat général « qu’elle avait trouvé encore au lit » et qui l’avait recommandée au capitaine de gendarmerie, lequel l’avait placée au premier rang et qui l’avait reçue dans ses bras, quand le couteau était tombé, car alors, elle était « plus morte que vive »,

— Lui aussi ! fit M. Birouste.

— Quoi ? Lui aussi ?…

— Eh bien ! lui aussi, il était plus mort que vif !…

— Pensez-vous ! un capitaine de gendarmerie !…

— Non ! non ! je parle du guillotiné…

— Ah ! bien ! il ne s’agit que de s’entendre !… Avec vous, on ne sait jamais !…

— Oui, il est toujours un peu « prince sans rire », ce Birouste !… fit Mme Camus, qui ne l’aimait pas…

— Alors, vous avez eu le courage, comme ça, de le regarder bien en face ! questionna Mlle Barescat… reste tranquille, Mysti !… Je ne sais pas ce qu’il a ce soir (le chat), mais il ne tient pas en place et il est comme un crin !

— Oui, mademoiselle Barescat, je l’ai regardé bien en face !… et nos yeux se sont croisés !… et il m’a reconnue !… Ah ! nous nous en sommes dit des choses dans ce moment-là !… Il ne s’en vantera pas, je vous prie de le croire !…