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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/178

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GASTON LEROUX

de l’espace, le dialogue, ou plutôt le monologue à deux, retomba doucement au niveau de la conversation, mais encore quelle conversation !…

— Tes souffrances, mon Gabriel, et ta mort t’ont fait une âme unique ! Tu es le seul être dont une femme puisse approcher avec la confiance, le respect et l’amour infini qu’elle doit à son Dieu !…

« Si mon Gabriel est triste, il me verra triste, parce qu’il sera au-dessous de son destin !…

« Nous avons retenu ton âme libérée de ton corps !… Tu nous dois ta joie !… Qui pourrait assigner une borne aux facultés de l’âme lorsqu’elle n’est altérée par aucune pensée terrestre, souillée par aucun limon humain ?… Si tu n’étais pas ce que tu es, je ne te dirais pas : « Je t’adore !… »

Jacques se retint au mur pour ne point chavirer…

Et puis, comme il entendait que l’on refermait une fenêtre, il eut encore la force de faire quelques pas en chancelant… Christine, qui tirait les rideaux, l’aperçut… Elle lui fit un signe qui le cloua sur place… Quelques minutes plus tard, elle le rejoignait…

Elle lui dit, haletante :

— Va-t’en !… Va-t’en !… qu’il ne te voie pas !… Tu es descendu à l’hôtel des trois sœurs ?… J’irai te voir ce soir !

— Oh ! fit Jacques, je ne veux pas vous gêner !…

Et il reprit, lamentablement, le chemin de Peïra-Cava, comme un pauvre Jacques qu’il était…