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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/184

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GASTON LEROUX

Il y eut un silence entre les deux jeunes gens, puis Jacques prononça lentement :

— Je m’étais dit déjà tout cela, et non seulement je me l’étais dit, mais je te l’avais dit à toi, Christine, tu ne t’en souviens peut-être pas ?

— Si !…

— Heureuse mémoire !

— Tu me l’avais dit, mais je ne voulais, ou, plutôt, je ne pouvais rien entendre, à cause de l’horrible scène…

— Oui ! oui ! le cadavre d’Annie ! Rappelle-toi encore ce que Bénédict disait au procès, ma chère Christine : « Ce n’est pas une raison parce que l’on découpe une femme en morceaux pour qu’on l’ait assassinée ! » À moi, cela me semblait l’évidence même !

— Qu’il ne l’eût pas assassinée ?

— Non !… distinguons… l’évidence même que cela n’était pas une preuve que Bénédict Masson eût assassiné la petite Annie !… Vois-tu, Christine, quand on a raison, il faut savoir « distinguer… » Hélas !… ce n’est généralement pas dans leurs raisonnements que les femmes mettent de la distinction… En ce qui me concerne, je ne m’en plains pas !… tant que je ne m’assiérai pas sur les bancs de la cour d’assises !…

— Tu es cruel, Jacques !…

— Non ! je prends mes précautions !…

— Jamais je n’aurais cru qu’un rhume pût changer pareillement un homme !… Je te pardonne !… Tu as une méchanceté de malade !…

J’attends l’histoire du cadavre de la petite Annie !… soupira Jacques avec lassitude ; est-ce qu’il la raconte bien ?…

— Voici ce qu’il me dit : Un jour que Bénédict rentrait chez lui, le courant de l’étang lui amena ce cadavre presque devant sa porte !… Le relieur ignorait alors