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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/29

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LA MACHINE À ASSASSINER
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cent ans !… Là-dessus, M. Birouste, l’herboriste, qui s’était réfugié derrière le comptoir, a crié : « Haut les mains !… faites comme moi ? » Alors, nous avons tous montré nos mains… comme au cinéma ! et le chat de Mlle Barescat s’est enfui, d’un bond terrible… on ne l’a plus revu depuis !…

« Quant à Gabriel, lui, il ne disait rien !… Mais, après avoir écouté à la porte, il a déposé la Christine sur le comptoir, tout de son long… et il s’est mis à chercher comme qui dirait un mouchoir dans ses poches… bien sûr pour essuyer le sang qui coulait toujours du front de la demoiselle. Mais il ne trouva pas de mouchoir !… et alors !… oh ! alors, monsieur le commissaire… la boutique de Mlle Barescat !… ce qu’elle a pu prendre la boutique !… je vivrais cent ans !… »

Pour savoir ce que Gabriel a pu faire de la boutique de Mlle Barescat, laissons parler Mlle Barescat elle-même. Si son récit est un peu décousu, n’en voulons pas trop à la vieille demoiselle qui, depuis cette heure historique, a perdu un peu de la fraîcheur de ses facultés, cherche ses mots, tombe parfois dans un anéantissement profond, pour en ressortir tout à coup comme si elle était touchée par une pile et rejeter la tête en arrière si brusquement, si spasmodiquement que les choux de ruban de son bonnet à « l’ancienne » semblent danser sur son faux chignon une façon de shimmy épileptique.

— Ah ! monsieur le commissaire, pour un mouchoir ! car il cherchait un mouchoir ! si encore il me l’avait demandé ! Mais pas un mot ! Tout de même quand j’ai vu qu’il fouillait dans mes tiroirs, qu’il bousculait mes rayons, j’ai voulu m’en mêler, pas vrai, monsieur le commissaire ? Je suis bien aise de vous voir. Comment vous portez-vous ? Hein ? Quoi ?… Vous nous protégerez, monsieur le commissaire… Vous nous protégerez, sans quoi, comme dit Mme Langlois, il n’y a plus de justice ! Et vous, vous êtes juste, monsieur le commissaire ! Je suis une pauvre vieille demoiselle bien tran-