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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/100

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LA POUPÉE SANGLANTE

tout au moins moralement, avec Gabriel, me le rendait supportable.

Je vis qu’il avait de grands yeux bleus de myope, intelligents et pensifs, sous son air bourru. Je ne sais pas s’il se rendait bien compte qu’il était chez moi. Il me parut voyager dans la lune comme bien des savants, mais, à son âge, c’était peut-être un genre.

— Eh bien ! fit Christine en s’asseyant. Elle vous a donné le paquet ? Vous avez lu. Je viens de la part du marquis vous prier de garder tout cela chez vous, ou de le détruire ; en tout cas, de ne pas le lui rendre. Ce sont ces papiers-là qui l’ont rendue malade, la pauvre femme ! Vous connaissez maintenant le point de départ de toutes ses imaginations ?

— Si je ne m’abuse, le voilà ! fis-je en mettant la main sur un opuscule intitulé : Les plus célèbres Broucolaques. « Broucolaque » est le mot dont se servaient les Grecs pour désigner ce que la superstition moderne désigne sous le nom de « vampires » !

Cet ouvrage, imprimé à Paris sous la Révolution, parlait le plus sérieusement du monde de ces êtres que l’on croit morts et qui ne le sont pas, et qui sortent la nuit de leurs tombeaux pour se nourrir du sang des vivants pendant leur sommeil… Quelques-uns de ces vampires dont on citait les noms retournent repus dans leur sépulture. C’est là qu’on a pu en surprendre un certain nombre, surtout en Hongrie et dans l’Allemagne du Sud : ils avaient un coloris vermeil, leurs veines étaient encore gonflées de tout le sang qu’ils avaient sucé, on n’avait qu’à les ouvrir pour voir ce sang couler aussi frais que celui d’un jeune homme de vingt ans… Certains ne reviennent jamais dans leur tombeau, dont ils ont l’hor-