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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/136

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LA POUPÉE SANGLANTE

sa lointaine voix, non… ce n’est pas tout à fait extraordinaire… mais figurez-vous qu’à la suite de cette piqûre, je me suis sentie comme engourdie, sinon empoisonnée, enfin dans un état de faiblesse cérébrale telle que, rentrée dans la bibliothèque, je me suis étendue sur le divan tout juste pour fermer les paupières et pour avoir le plus douloureux des rêves…

— Quel rêve ?

— J’ai vu le marquis, avec cette figure atroce que vous lui avez découverte l’autre soir quand vous avez pénétré chez la marquise après l’accident… Il s’est approché de moi… et malgré tous mes efforts pour l’éloigner, il s’est emparé de mon bras et, collant ses lèvres à ma blessure, il aspirait tout mon sang… toute ma vie !…

— Vous avez eu vraiment ce rêve-là ?…

— Vraiment !…

— La marquise vous avait déjà raconté toutes ses histoires de broucolaque ?…

— Oui !…

— Et vous vous, étiez endormie sur le divan, au-dessous des quatre portraits des quatre Coulteray ?

— C’est cela même.

— Alors concluez vous-même, Christine !…

— J’ai conclu ! j’ai conclu !… Oh !… Oh !… j’ai conclu !… mais alors je n’avais pas vu la marquise piquée comme moi au bras, en se penchant à la même fenêtre, et je ne l’avais pas vue revenir comme un fantôme nous crier : « Eh bien, êtes-vous convaincus cette fois, ils ne m’ont laissé que l’âme !… »

— Ah çà ! mais, Christine…

— Évidemment… « Ah çà ! mais !… » c’est bien ce que je me dis…

— Enfin, comment cela a-t-il fini pour vous ?