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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/138

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LA POUPÉE SANGLANTE

ment d’inquiétude… depuis l’accident de l’autre jour…

— Et cependant, vous n’y êtes jamais venue plus souvent ! murmurai-je en me rapprochant d’elle… (nos mains étaient toujours unies)… Ah ! Christine ! Christine ! ma pauvre chère âme… chaque maison, comme chaque cœur a son mystère (ce fut à son tour de tressaillir)… je vous jure, Christine, que votre piqûre de rosier dont a saigné votre bras n’est rien à côté de certaines autres affreuses blessures par lesquelles s’épanche, se répand, coule jusqu’à la dernière goutte la vie d’un cœur. Pourquoi donner aux vampires la figure des morts ? Le plus grand broucolaque du monde est un tout petit enfant aux joues roses avec un carquois et des flèches… et il s’appelle l’Amour !

— Vous avez raison, mon ami ! fit Christine dans un souffle en baissant tout à fait la tête…

Quel silence suivit ces dernières paroles !… J’osai murmurer enfin à l’oreille de celle qui se taisait près de moi… j’osai murmurer le commencement d’une complainte de ma fabrication qu’elle avait dû goûter particulièrement, puisqu’elle l’avait apprise par cœur :

« Ô dame douce ! comment es-tu venue ici ? — étranges sont tes paupières — étrange ton vêtement — et étrange la longueur glorieuse de tes tresses ! »

Elle ne me laissa pas continuer, mais sa main serra nerveusement la mienne et cette pression précipita le cours de ma vie jusqu’à la sensation de l’étouffement.

— Remettez-vous, mon cher Bénédict, me fit-elle, en se levant et en me rendant ma main. Vous avez tort de dire toutes ces belles choses pour moi ! Mon vêtement n’est pas étrange, vous n’avez